Quand je suis devenu libraire jeunesse en 1998, la collection « À Petits Petons » commençait également.
Je me souviens parfaitement de la sortie de Quel radis dis donc ! de Praline Gay-Para et Andrée Prigent et de La toute petite petite bonne femme de Jean-Louis Le Craver et Delphine Grenier qui font partie des premiers titres que j’ai portés en tant que libraire jeunesse. Ces titres, toujours d’actualité aujourd’hui, et ceux qui ont suivi, m’ont considérablement marqué et m’ont aidé et formé en tant que libraire jeunesse.
La chèvre Biscornue, L’Ogre Babborco, Roulé le loup, La souris et le voleur ou La moufle entre autres font toujours partie de mes lectures préférées, des années après leur sortie.
Tout de suite, je me suis rendu compte de la qualité et de l’importance des livres de cette collection. Le concept en est pourtant simple. Faire confiance à celles et ceux qui sont les mieux placé·es pour raconter des histoires : les conteurs et conteuses. Cela peut paraître évident mais ce fût une véritable révolution à l’époque et ça l’est encore je pense.
Quand on pense album jeunesse, on a bien trop souvent tendance à penser uniquement à l’illustration. Or ce qui tient d’abord une bonne histoire destinée à être lue aux enfants c’est évidemment un texte fort, rythmé, précis et adapté aux enfants. C’est exactement tout cela qu’a apporté la collection « À Petits Petons » : des textes adaptés à la lecture à voix haute et entièrement destinés aux enfants qui les écoutent.
Le choix des conteurs et conteuses pour l’écriture de ces textes a énormément aidé à cela. Qui mieux que les conteurs comprennent l’oralité que doit avoir un texte destiné à un public, enfant unique ou groupe d’enfants ? Leur souci du rythme, des intonations, du suspense, d’une narration progressive où sont présents les répétitions, les jeux sonores, le suspense et le dénouement final sont au cœur de leurs préoccupations. Partir d’une matière patrimoniale comme le conte n’est pourtant pas le gage naturel d’un bon livre jeunesse. Il faut pour cela une rigueur éditoriale et une précision très fine pour rendre cette oralité par écrit. C’est là l’une des grandes qualités de cette collection : les textes sont écrits comme si on entendait par eux la voix des conteurs. Ils sont vocaux et sonores, et le lecteur est aidé pour cela grâce à des jeux de typographie et de grosseur de caractère qui depuis ont été repris un peu partout. Pour avoir lu énormément d’albums depuis mes débuts, je peux vous affirmer que tout ceci n’est évidemment pas facile. C’est pourtant ce que la collection dirigée par Céline Murcier fait depuis ses débuts.
Même si j’ai des ouvrages préférés, jamais je ne me suis dit que je ne lirai pas ces albums à voix haute parce qu’ils étaient inadaptés. C’est même devenu un peu un rituel pour moi. Nouveauté après nouveauté, je lis quasiment tous les titres de la collection aux lectures que je fais tous les mois au théâtre de Laval. Les familles que je conseille depuis des années ont forcément dans leurs étagères l’un de ces livres. Ce sont pour moi des livres repères, des valeurs sûres sur lesquelles je peux me reposer quand je conseille.
En effet, et c’est là aussi l’une des particularités de la collection, ces livres sont faciles à conseiller. Si le travail du texte et de l’imaginaire est évidemment au centre de la présentation que j’en fais, il faut souligner également qu’ils sont portés par des illustrateur·trices de grand talent. De grands noms de l’illustration française se sont pris au jeu pour illustrer ces histoires et on peut sentir dans leur travail, le plaisir qu’ils ont pu y prendre. La liste est trop longue pour être donnée mais quand on se penche sur les noms des artistes qui ont participé à cette collection, nous trouvons un petit bout de l’histoire de l’illustration en France.
Ludiques, imagées, incarnés, souvent drôles, parfois inquiétantes, elles ont su sublimer et enrichir le travail porté sur le texte. C’est rare d’avoir sur l’ensemble d’une collection un tel sentiment de cohérence entre des textes et des images. Cela symbolise et justifie parfaitement, il me semble, la longévité de cette collection. Ces albums passent les modes et restent toujours d’actualité.
Pour finir d’expliquer combien cela reste une collection indispensable à mes yeux, je n’ai qu’à rajouter que c’est toujours celle que je conseille en premier aux jeunes libraires que je forme à la littérature jeunesse dans mes cours de librairie. Je la présente ainsi : « Le meilleur des contes traditionnels et modernes raconté par des conteurs et illustrés par la crème de l’illustration en France. Les livres les plus importants pour la lecture à voix haute. »
Je crois que tout est dit…
et mon histoire est finie... ■