JL : Des bleus au cartable est un roman qui parle de harcèlement au collège. Comment avez-vous choisi ce titre ?
MZ : Mon titre de travail était « la rentrée où j’ai grandi » parce que les trois personnages principaux font leur rentrée en 6e en ayant en tête leur propre « mode d’emploi » des relations au collège, mais qu’ils vont le déconstruire peu à peu au fil du récit. Ralph, le harceleur, pense qu’il faut se montrer fort sans jamais dévoiler ses failles, Zélie, la témoin, croit qu’il faut adopter les attributs attendus par les autres (coiffure, références, maquillage, tenue, etc.) pour devenir populaire et Lana, la jeune harcelée imagine que sa mère a besoin d’être protégée et ne lui révèle rien de ses difficultés.
Tous les trois vont évoluer et changer ce « mode d’emploi ». Cela les libérera et leur permettra de sortir grandis et plus forts de cette période de leur vie. Mais « la rentrée où j’ai grandi » ne fait pas un bon titre. Alors on a creusé, cherché, avec Mélanie, l’éditrice du roman, avec les autres professionnelles de la maison d’édition, avec la stagiaire de 3e qui était présente, et on aboutit à « Des bleus au cartable » : un titre qui évoque à la fois l’école, et les marques douloureuses que peut laisser un harcèlement.
JL : Pourquoi avoir eu envie d’écrire sur un sujet d’actualité comme le harcèlement scolaire ?
MZ : C’est le résultat d’un télescopage entre deux petites choses de ma vie. La première n’a rien à voir avec le harcèlement : j’ai vu passer un chat devant ma fenêtre et il portait un magnifique bijou attaché à son collier. J’ai supposé qu’il contenait le numéro de téléphone de son propriétaire et je me suis alors demandé quel autre message ce chat aurait pu transporter : un appel au secours ? Un message d’amour ? Une information secrète ? Mélanie, l’éditrice roman chez Didier Jeunesse, m’a appelée à ce moment-là et m’a parlé de sa recherche d’un roman sur le harcèlement. Cet appel a été comme une graine qui a germé dans mon imagination : en réfléchissant à mon histoire de chat, je suis revenue sans cesse à cette idée de harcèlement. Voilà l’origine de l’histoire, et voilà pourquoi il y a plein de chats dedans !
JL : Des bleus au cartable est un roman choral, avec les voix de Ralph, Lana et Zélie. Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire de trois points de vue différents ?
MZ : Pour permettre aux lectrices et aux lecteurs d’entrer dans les pensées et les émotions des trois personnages. Grâce à cette empathie, le roman n’est pas celui de personnages stéréotypés, méchants ou gentils. Ralph, Lana et Zélie ont chacun leur histoire de vie et leur famille qui jouent un rôle essentiel dans leur choix d’agir ou de réagir de telle ou telle manière. C’est aussi ce qui leur laisse la possibilité de grandir, de changer et d’évoluer au fil du récit. L'empathie est au cœur de la lecture d'un roman, il est aussi au cœur de la résolution d'une situation de harcèlement : c’est parce qu'on se met à la place de l’autre, parce qu’on le comprend, qu’on a envie d’agir pour qu’elle cesse.
JL : D’où vous vient l’inspiration de vos histoires ? Est-ce l’envie de parler d’un sujet que vous connaissez, l’envie d’apprendre sur un sujet que vous ne connaissez pas ?
MZ : Je ne sais pas d’où viennent les histoires. Elles naissent parfois d’une toute petite chose, d’un mot, d’une phrase, d’une image autour desquels vont s’agréger des idées jusqu’à « faire histoire », d’autres fois elles naissent d’un personnage qui s’invite, qui s’installe, qui se trouve chez lui dans ma tête. Mais l’imagination garde le secret de ses rouages !
JL : Une histoire doit-elle toujours bien finir ? Pourquoi ?
MZ : Pour moi, l’important n’est pas qu’une histoire finisse bien, mais qu’elle ait une bonne fin : une fin qui ait du sens et qui fasse résonner le récit.