CM : Vous êtes enseignante de français en collège depuis plusieurs années. Comment et pourquoi êtes-vous aussi devenue auteure de littérature jeunesse ?
DP : Cela s’est fait tout naturellement. Il y a quelques années, j’ai monté un projet autour du harcèlement scolaire avec mes élèves. Il s’agissait pour eux de créer un spectacle sur ce thème, à partir de textes divers et d’improvisations. La parole s’est libérée, et je me suis rendu compte que les enfants se sentaient souvent peu concernés si le problème ne touchait pas un de leurs proches. S’ils voyaient quelqu’un se faire harceler, ils préféraient détourner les yeux. Pour eux, être harcelé, c’était un peu être faible… Je me retrouvais donc face à des interrogations auxquelles je n’avais pas de réponses. Pourquoi ce manque d’empathie ? Comment la mécanique du harcèlement fonctionne-t-elle ? J’ai eu envie - besoin même - d’écrire sur le sujet en me mettant dans la peau d’un ado qui vit cette situation de l’intérieur.
Lorsque j’ai eu fini d’écrire ce texte, je l’ai proposé à quelques éditeurs et les éditons Talents Hauts ont accepté mon manuscrit. Tout a été très vite, et ensuite, je n’ai plus cessé d’écrire pour cette tranche d’âge que je côtoie quotidiennement.
CM : Mon cheval de bataille, votre dernier roman publié chez Didier Jeunesse, aborde le difficile sujet de la maladie chez l'enfant et l'impact sur la famille. Comme dans Deux fleurs en hiver, l'animal apparait comme un soutien, un vecteur de motivation dans le combat quotidien. Pensez-vous qu'un "livre" puisse aussi jouer un rôle dans ce genre de situation et si oui, lequel ?
DP : Oui, c’est tout à fait ça. D’ailleurs, quand mes enfants sont confrontés à différentes problématiques, je passe toujours par un livre pour discuter avec eux.
Deux fleurs en hiver et Mon cheval de bataille sont des histoires réalistes qui peuvent donner à voir certains moments de vie difficiles. Outre le fait de ressentir des émotions, la lecture peut permettre de réfléchir, de s’interroger, elle peut déranger aussi parfois. C’est comme cela que l’on se construit, que l’on grandit.
CM : Votre roman Deux fleurs en hiver est orienté vers les thématiques de la santé et de la relation intergénérationnelle. Où avez-vous trouvé l'inspiration pour mettre autant de justesse dans ce récit, qui finalement s'adresse tant aux adolescents qu'aux adultes ?
DP : Comme souvent, ce n’est pas une seule idée, mais la connexion de plusieurs qui donnent naissance à une histoire. Pour Deux fleurs en hiver, je me suis beaucoup questionnée sur ce qu’on ressentait à entrer en EHPAD lorsque ma grand-mère a franchi le pas. D’ailleurs, au début, mon texte était à une seule voix, celle de la vieille dame. Et puis, mon fils a fait des études de soignant et son premier stage était dans un EHPAD. Je me suis dit que ce serait bien de croiser les fils de deux personnages aux antipodes l’un de l’autre : la résidente en fin de vie et la jeune fille au début de son chemin. C’est là que Capucine est née.
CM : Quelle est votre méthode d'écriture, votre secret de fabrication pour une histoire réussie et avez-vous une confidence à nous faire concernant votre prochain livre.
DP : Je n’ai pas vraiment de méthode d’écriture. Il y a des auteurs qui construisent des plans précis, chapitre par chapitre, avec une structure préalablement élaborée… j’en suis tout à fait incapable ! Je pense que je m’ennuierais à périr si je savais à l’avance tout ce qui allait se passer dans mon histoire. Je prends des notes, je fais des recherches sur le sujet qui m’intéresse et j’ai bien sûr des idées très précises de certaines scènes, mais j’ignore de quelle manière je vais aller de l’une à l’autre. Ce sont les personnages qui me guident, quand je les place dans telle ou telle situation. Parfois, ils me font emprunter des chemins de traverse, et c’est aussi déstabilisant que grisant. Par contre, il faut accepter de lâcher prise et ce n’est pas toujours facile...
Pour ce qui est de mon prochain livre, il y en a plusieurs, et tous me tiennent à cœur ! D’abord, mon premier album, chez L’Étagère du bas, intitulé Le goût des mirabelles. C’est un texte doux et intimiste sur le cycle de la vie. Et puis Moi, Chocolat, petite chienne au grand cœur, chez Didier Jeunesse où j’aborde la difficile question de l’abandon animal (avec un peu de légèreté tout de même, puisque toute l’histoire est racontée à hauteur de truffe).